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07/03/2023

2023: Sortie de la biographie d'André Diligent, un homme percutant !

livre.jpgUn homme percutant ! Lors de cette soirée à la librairie « Autour des mots », Bruno Béthouart a rappelé que comme historien, il a eu cette chance incroyable de rencontrer à Roubaix, dans les années 1970, des témoins vivants du MRP : André Diligent et Jean Catrice. De cette époque date sa fréquentation régulière de celui qui deviendra maire de Roubaix en 1983.

30 ans de fréquentation et 8 journées d’étude pour aboutir au livre

Avec le concours précieux de la Médiathèque de Roubaix depuis plus de 10 ans, lieu où sont conservées ses archives dans un fonds Diligent, et plus de 8 journées d’étude organisées dans la foulée de la création de l’association en 2012, Bruno Béthouart a pu finaliser ce travail de recherche.

Diligent avait une vision universelle en étant ancrée à Roubaix….

Simone Veil disait de lui : « Diligent fait de la politique avec sa tête en se servant de son cœur ».

Même à Paris, il défend Roubaix !

Jean-Pierre Balduyck : « Avec André Diligent, nous avions une complicité. Il avait une façon extraordinaire de faire de la politique, à base de réconciliation et d’efficacité. C’était un faux tendre qui pouvait être féroce ».

C’était un pionnier de l’écologie !  

Pierre Mauroy disait : « A Roubaix, il n’y a pas plus socialiste que Diligent ». Propos rapporté par André Diligent à l’auteur.

Jean-Marc Alsberghe (dont le père était au MRP) : « André Diligent avait un grand respect de ses opposants ».

Octobre 2021...bientôt une biographie: interview de son auteur Bruno Béthouart

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  1. Bruno Béthouart, vous avez achevé une biographie d’André Diligent, un énorme travail d’enquête et de rencontres. Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec André Diligent ?

Parfaitement. Comme je venais d’obtenir la licence d’histoire en juin 1971 et que je souhaitais faire une recherche en histoire contemporaine avec le professeur Yves-Marie Hilaire, celui-ci m’a proposé comme sujet « l’histoire du MRP dans l’arrondissement de Lille » qui, à lui seul, représentait les 2/3 des adhérents de la Fédération du Nord. Comme ce parti s’était « mis en sommeil » en 1967, il n’y avait pas de sources dans les archives publiques mais certains responsables en possédaient quelques-unes. L’une des premières personnes qu’il m’a conseillé de rencontrer était André Diligent. Celui-ci, dès l’été 1971, m’a très bien accueilli et m’a confié la clé de l’armoire de ses archives personnelles dans son grenier !

 

  1. Vous êtes connu comme historien pour avoir mené des travaux sur le Mouvement Républicain Populaire (MRP) après-guerre, mouvement politique qui puise ses sources dans les penseurs de la démocratie-chrétienne à la française. André Diligent avait une forme de nostalgie de cette époque. Qu’est-ce que cette nostalgie traduisait au-delà de l’attachement aux idées de son père Victor Diligent ?

Comme vous le faites justement remarquer, l’attachement d’André Diligent à la Démocratie chrétienne passe évidemment par son père, Victor Diligent auquel je consacre un des premiers chapitres de l’ouvrage. André l’admirait et s’en est toujours inspiré. Le sous-titre de l’ouvrage est éclairant de ce point de vue : « Au nom du Père ». La conception très désintéressée, très transparente qu’avait André Diligent de l’exercice de l’action politique était en très grande symbiose avec l’esprit démocrate-chrétien : pas de sectarisme, ni à droite, ni à gauche. Le docteur Defaux qu’il admirait, « médecin des pauvres » à Lille, grand résistant aux occupants nazis, reprend les propos du fondateur du Sillon, Marc Sangnier qui  affirmait que « nous ne sommes ni à droite, ni à gauche mais au centre et en avant ». Pour lui, il existe une bonne manière de « faire » de la politique qui recoupe les valeurs évangéliques. D’ailleurs, à la question que je lui ai posée sur son socle de conviction pour sa vie politique, il a tout simplement répondu : « Les Béatitudes, tout y est ».

 

  1. Un jour, la fin de sa vie approchant, André Diligent, soucieux de transmission, écrit « La Charrue et l’Etoile» et vous demande d’en écrire la préface. Qu’est-ce qu’André Diligent cherche à transmettre à de nouvelles générations ? Comment s’y prend-il ? Et y parvient-t-il ? Il parle d’une forme de vide politique à combler…c’est très fort comme constat.

Ce fut un très grand honneur pour moi et une vraie marque de confiance que de se voir proposer la rédaction de la préface de cet ouvrage auquel, parvenu à l’orée de sa vie, il tenait par-dessus tout. J’avais titré ce petit texte : « Dans les pas d’un témoin, d’un héritier » et lui-même avait dédicacé cette œuvre : « à mon père et à ma mère ». Il a, en octobre 2000, toujours autant qu’avant, la certitude que la politique est faite d’un ensemble de convictions qui proviennent pour l’essentiel, du socle des prédécesseurs et auxquelles il faut trouver un langage adapté à notre temps. Cet ouvrage qu’il a eu bien des difficultés à faire éditer parce que « l’air du temps » n’était plus, alors, au rassemblement au-delà des clivages droite-gauche résume bien son ambition : montrer qu’il existe un courant politique d’inspiration chrétienne et ouvert aux « hommes de bonne volonté » capable de s’ajuster au monde issu de la Révolution française. 

 

  1. Une biographie, c’est un travail dans le temps et multidimensionnel. Il y a différentes sources (écrites, rapportées, conférences, journées d’étude, etc.) et aussi et c’est une chance, les confidences de l’intéressé. Quels types de confidences André Diligent a pu vous faire de son vivant et comment cela se traite-t-il dans une biographie ?

L’absence d’archives officielles est loin d’être un obstacle à la réalisation d’une biographie. Je l’avais déjà constaté dans le passé en réalisant en 1996, à Artois Presse Université, la présentation d’une personnalité moins connue, moins médiatisée : Jules Catoire, un syndicaliste chrétien, devenu résistant puis parlementaire MRP, très proche de Robert Schuman. Avec André Diligent, je disposais non seulement de ses archives personnelles, certes un peu dans le désordre dans les années 1970, mais aussi des comptes rendus de ses activités de parlementaire puis de maire. Le travail de préservation de ces fonds a été l’œuvre de Pierre Kerlévéo et la médiathèque de Roubaix a sollicité Coralie Ammeloot pour opérer un classement les rendant désormais beaucoup plus accessibles. Mais surtout, ce qui fait le danger mais aussi l’intérêt de l’histoire très contemporaine, c’est la possibilité de rencontrer la personne concernée et de pouvoir disposer du regard de ses proches, de ceux qui l’ont connu, voire combattu. À part quelque réflexion ou jugement très ponctuel, j’ai pu à la suite des rencontres successives que j’ai eues avec lui reprendre pratiquement tous les éléments intéressants dans le cadre d’une biographie.  

 

  1. L’attachement à des idées ancrées dans le 19ème et le 20ème siècle semblait cependant faire d’André Diligent un précurseur sur un certain nombre de sujets du 21ème siècle : l’écologie, l’antiracisme, l’Europe, les médias, etc. Est-ce qu’il avait conscience de cela et comment a-t-il pu le concilier avec une forme d’engagement à droite et au centre ?

 

Il y a deux questions dans votre demande : la première porte sur les sujets qui sont aujourd’hui porteurs alors qu’ils ne l’étaient pas durant l’essentiel de son temps en responsabilité politique : la question la plus évidente en la matière est son souci d’un respect de la nature, des équilibres au sein de notre planète et tout particulièrement de l’agriculture biologique. Mais André Diligent a également montré l’exemple en matière d’accueil des immigrés dans sa ville de Roubaix où il était respecté, par les populations venues du Maghreb qui appréciaient son sens de l’accueil mais aussi son exigence. Sur l’Europe, il a très vite saisi les dangers de son caractère technocratique en voulant l’ancrer sur les réalités comme Robert Schuman. Quant aux médias, il avait immédiatement compris le poids des lobbies pour manipuler l’opinion.

Quant à la seconde question sur son engagement à droite et au centre, elle ne dépendait pas de lui en ce sens que François Mitterrand, en choisissant une alliance avec le PCF, fermait la porte aux centristes. Cependant, il m’a confié que si Jacques Delors avait été candidat à la présidence de la République en 1995, il aurait pris parti pour lui.

 

  1. André Diligent a détenu beaucoup de mandats sans exercer de fonctions exécutives autres que celle de Maire de Roubaix qui lui suffisait amplement. André Diligent était-il vraiment ambitieux pour lui-même ? Il s’est battu pour Roubaix mais pas pour être Président de la communauté urbaine par exemple. A-t-il vécu des frustrations ?

Comme l’a fait remarquer son collaborateur au CEMD (Centre d’Etudes Municipales et Départementales), Roger Delelis, « il avait de l’ambition pour ses idées mais non pour sa personne ». Combien de fois a-t-il accepté de passer après d’autres dans le cursus honorum ? Le fait de défendre des causes « dangereuses », « minées » comme les résistants du Mouvement La Voix du Nord au risque d’être ostracisé et bâillonné, ou de combattre la publicité clandestine au Sénat, démontre bien que les idées, les convictions l’emportaient clairement sur la recherche des places. Quant à la Communauté urbaine de Lille, juste après son succès aux municipales de Roubaix en 1983, c’était peut-être « jouable » face à Arthur Notebart. D’ailleurs il l’a regretté par la suite en considérant que Lille a vraiment tiré la couverture à elle ! La principale frustration venait en grande partie de la difficulté des personnalités comme lui de trouver des équivalents soit à droite, soit à gauche pour bâtir une société plus respectueuse de chacun, à la manière de Marc Sangnier, sa référence de ce point de vue. 

 

  1. Une partie de l’histoire retiendra un côté « candide » d’André Diligent. Est-ce le cas au regard d’une vie entière qui puise aussi beaucoup dans les résistances, toutes les formes de résistances ?

La formule, « aux innocents les mains pleines », lui convient assez bien au regard de son parcours politique. Certes, il n’a pas obtenu de fonctions importantes en dehors de celle de maire de Roubaix et de sénateur mais qui a oublié dans le Nord celui qui a osé affronter le géant de la presse La Voix du Nord ? Qui ne se souvient pas de son combat contre la publicité clandestine ? N’est-il pas en refusant les clivages droite-gauche très en avance sur son temps ?  Les Français aiment ces personnes qui n’hésitent pas à mettre en jeu leur petit « pré carré » pour servir une grande et belle cause.

 

  1. Evidemment, la lecture de la biographie donnera pour la première fois une « image complète » d’un homme politique majeur du Nord. Est-ce qu’il y a encore des sujets à creuser et à explorer s’agissant d’André Diligent ?

Personne n’est vraiment capable de faire la présentation exhaustive d’une personne dont il veut tracer le portrait : ainsi en est-il d’un mari de son épouse, d’un fils de son père et vous devinez qu’avec une telle personnalité, il est évident que bien des aspects pourraient encore faire l’objet d’investigation. D’abord sur sa vie personnelle en obtenant des documents ou confidences de son entourage familial et amical, mais aussi et surtout sur ses combats politiques locaux, régionaux et nationaux ainsi que sur l’impact qu’il a eu sur Roubaix et dans les instances qu’il a fréquentées.

 

  1. Une biographie, c’est aussi un instrument de connaissance et recherche pour des étudiants et des enseignants. Est-ce que le centrisme intéresse finalement les chercheurs, les historiens, les politistes, les philosophes, les théologiens ? Est-ce que ce n’est pas en soi une matière difficile à étudier aussi parce que la religion tient une place prépondérante dans l’histoire des idées centristes ?

Belle question mais bien délicate à traiter ! Emmanuel Macron en osant se dire en même temps de droite et en même temps de gauche est-il centriste ?  Dans cette question figurent deux interrogations : le centrisme est-il une praxis, une stratégie voire une tactique et le président actuel semble s’en accommoder à l’inverse d’André Diligent. Le centrisme est-il un point d’ancrage non seulement d’ouverture aux horizons différents mais aussi plus profondément une conviction que l’équilibre, la mesure est le propre de l’homme en s’appuyant sur des fondements qui ont fait leurs preuves, sur « une certaine idée de la France » et de l’Europe des piliers propres à une civilisation. Si comme le disait Tocqueville, la démocratie, « c’est la combinaison de l’égalité et de la liberté » auxquelles André Diligent ajouterait la fraternité, alors André Diligent est un vrai centriste démocrate. 

 

  1. Vous êtes président de l’association des Amis d’André Diligent, vous avez succédé au Professeur Ribet qui était professeur de chirurgie et ami de très longue date d’André Diligent. Quel type d’ami était André Diligent ? Quel type d’ami avait André Diligent et quel père a-t-il été pour son unique fille Anne ?

André Diligent avait pour le professeur Ribet une très grande estime d’abord parce qu’il le savait compétent dans son domaine médical, ensuite parce qu’il était « innocent » en matière politique et que par conséquent, il savait qu’il pouvait lui demander d’être sincère avec lui. Les amitiés d’André Diligent sont souvent liées à son affect, à son intuition : il recherche des êtres humains transparents, honnêtes et sans manière. Très attaché à sa liberté d’esprit, il a horreur des clans, des imbroglios médiatico-politiques. Finalement le personnage est assez secret : il a dû affronter des épreuves terribles comme la perte de son cher père très jeune, celle de son épouse et comme vous le dites la douleur de voir sa fille Anne, son unique, handicapée. La manière dont il s’est battu pour participer grandement au développement de l’institut Les Lauriers où a vécu sa fille démontre la qualité humaine de cet homme qui a eu au départ, mais qui pourrait lui reprocher ? beaucoup de difficultés à accepter cette situation.

 

  1. Il y a encore beaucoup de gens qui pensent ou se réclament d’André Diligent. Mais le « diligentisme » n’existe pas en soi. On évoque sa mémoire, le centrisme, des réalisations. Qu’est-ce que votre association peut ouvrir comme nouvelles pistes après la publication d’une biographie ? Dit autrement, est-ce un aboutissement ou le début de quelque chose ?

Comme une biographie ne peut en aucun cas « faire le tour » d’une personnalité et tout particulièrement de ce Roubaisien ardent patriote en même temps qu’européen convaincu et écologiste avant l’heure, il existe encore bien des chantiers à ouvrir, à creuser. Ceux-ci ont trait d’une part à sa personne et aux démocrates chrétiens de cette région septentrionale en lien avec le reste de l’Europe du Nord-Ouest mais aussi d’autre part aux questions qu’il a traitées, aux combats qu’il a menés. En guise d’exemples, en voici quelques-uns : comment se défaire de la gangrène des lobbies qui dénaturent ou déforment la vie démocratique ? Où trouver le point d’équilibre entre justice sociale et esprit d’entreprise ? Comment rassembler autour d’un pôle des personnes qui croyaient au ciel et d’autres qui n’y croyaient pas ? Comment se battre contre la société de consommation sans tomber dans la dictature soit sanitaire, soit écologique !  

09/06/2016

Lancement du livre "le jeu des 7 familles centristes du Nord" le 18 juin à Lomme

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C’est un vrai plaisir de pouvoir vous inviter à ce moment de présentation d’un second ouvrage, qui a vocation après presque trente années de militantisme, à brosser le portrait d’un certain nombre de centristes.

 

Une façon de dire aussi un grand Merci au dévouement d’un certain nombre de militants partis mais qui restent très présents. Et d’encourager tous les militants qui continuent de creuser le sillon.

 

Merci de diffuser cette invitation aux personnes qui peuvent être intéressées.

 

Lieu: Accueil Marthe et Marie, 1 Place Erasme de Rotterdam à Lomme - Humanicité, à proximité de St Philibert.

Station de métro St Philibert à 100 mètres.

10h à 16: vente et dédicaces

11h30: Présentation de l'ouvrage

12h30: Cocktail

23/04/2016

18 juin 2016 : Sortie du livre "Le jeu des 7 familles centristes du Nord"...

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04/02/2016

Un tome 2 pour bientôt...intitulé le jeu des 7 familles centristes du Nord...

cover-dv2.jpgOui cela me trotte depuis des mois, surtout depuis que j'ai pris quelques distances avec la politique. Pourtant, elle vous donne la sensation de vous rattraper toujours ou d'être toujours là...Certainement parce que la politique touche à l'essentiel, les conditions du vivre en société, les valeurs, les racines, l'espoir, l'avenir, etc.

Ce premier ouvrage intitulé "Ne cède jamais...dans le sillage d'André Diligent" date de 2006. Il est un témoignage fort et sincère de ma première tranche de militantisme (je suis tombé tôt dans la marmite). Mais il devait de toutes les façons avoir une suite.

Mais ce sera une suite différente.

25 années de militantisme, ça marque. Cela marque même beaucoup. Au centre, j'ai fait des rencontres exceptionnelles. J'ai rencontré des centaines et des milliers de militants, tous différents, tous intéressants, tous compétents, tous attachants, tous émouvants en réalité.

C'est en pensant à eux et c'est pour eux que j'ai décidé d'écrire, avec 25 ans de recul, un jeu des 7 familles centristes du Nord. Oui au delà des frontières du Nord, je ne suis pas très compétent. Mais faire l'exercice sur un quart de siècle pour mettre en perspective une dynamique d'une famille souvent moquée, mais terriblement unie sur l'essentiel, reste difficile.

En fait, il faut écrire les choses. Le monde qui semble aller de plus en plus vite, peut nous faire perdre l'essentiel. Personne ne tombe du ciel. Personne n'est élu par hasard. Mais il faut continuer de trouver des chemins de sincérité comme celui de Roger Behague. J'ai fait son portrait le lendemain de la mort de Jean Saladin, longtemps adjoint au maire de Lambersart. J'avais prévu de l'interroger et il est parti. Le lendemain, j'ai appelé ce militant lommois qui avait connu l'élection de 1947. oui 1947, une époque où le MRP (les centristes de l'époque) ont aidé Arthur Notebart à prendre la mairie de Lomme aux communistes. Voilà, il m'a raconté les choses et j'ai couché son portrait sur le papier. Il est décédé depuis.

Ce travail est utile. Je le dis la veille du travail que nous ferons sur André Diligent, Maire de Roubaix entre 1983 et 1994. C'est à la fois si loin et si proche à la fois...

Portrait de Roger Behague comme une mise en appétit du livre à paraître fin 2016 disons...Une manière de m'encourager.

L’idée de ce livre m’est venue spontanément le jour du décès de Jean Saladin, figure lambersartoise de la démocratie-chrétienne. En effet, je lui avais proposé qu’ensemble nous reprenions sa trajectoire pour éclairer l’avenir. Diminué et aussi mal à l’aise depuis plusieurs années, il n’a pas donné suite. Il est parti avec ses tonnes de souvenirs et sa motivation intacte. Le lendemain, je me suis dit que ce n’était pas possible que ces « militants sans importance » sur la papier partent ainsi. J’ai donc téléphoné au dernier militant MRP lommois. Il n’a pas du bien comprendre pourquoi cet empressement. Jean Saladin parti, j’avais besoin de passer un peu de temps avec lui. Nous nous sommes vus quelques jours après les funérailles de Jean Saladin. Il faisait ses cartons pour aller au foyer pour anciens, Les Roses. C’est qu’il n’est plus tout jeune, il a passé les 90 ans. Il est décédé depuis.

J’ai rencontré pour la première fois Roger Behague en 1993 lors des législatives peut-être, puis en 1997 c’est certain, lors de ma première candidature aux cantonales à Lomme. Je m’en souviens tellement qu’il faisait partie avec Roger Laviéville, des deux soutiens dont j’étais le plus fier. Le premier parce qu’il était un ancien MRP, le second parce qu’il avait participé à la libération de Lomme en septembre 1944. Ces deux-là me suffisaient. Ils ont figuré en bonne place sur mes tracts de campagne.

Ancien du MRP et de la JOC pour Roger Behague, donc. La Jeunesse Ouvrière Chrétienne qui a formé des bataillons de militants. A l’instar de Georges Delfosse et Jean Saladin à Lambersart. Certes, comme porte-drapeau, je le vois à toutes les occasions commémoratives. S’agissant de son rôle de porte-drapeau, une attestation pour 28 années de bons et loyaux services trône sur son meuble de cuisine. Comme il dit, un jour on dit oui et après on en a pour la vie. Pour autant, il continue d’aller ici et là aux manifestations, lundi c’était Rhin et Danube, mardi les funérailles d’un camarade. Avant d’arriver chez lui ce 18 août 2011, c’est sa cousine, lommoise de souche, qui était venue lui rendre visite. La guerre, il l’a passée dans la Creuse où il s’était enfui avec la Présidente de la JOCF, Denise Wicquart. Porte-drapeau il restera jusqu’à ce qu’un plus jeune prenne la place. Mais comme il dit, y’a pas foule…

Roger Behague a eu ses 91 ans, il va vaillamment vers ses 92 printemps. L’idée d’être centenaire semble bien lui aller, lui qui a choisi volontairement de migrer en maison de retraite à quelques pas de sa maison du 17 de la Rue Fernand Guilbert. Il m’indique que demain il sera au 117 de la rue d’à côté, un chiffre en plus, c’est tout. Il est en train de faire des cartons, s’excuse cinq fois pour cela et me raconte quand et comment il est arrivé ici. Il a été un temps attaché au Château, Rue de la Drève, avec des patrons (Delsalle et Thiriez) qu’il garde en haute estime.

A l’origine, Roger Behague est chaudronnier de formation. Ce n’est que plus tard qu’il deviendra chauffeur chez Catteau, une institution à Lomme même si elle vient de quitter la commune. Sa mère était présidente des mères chrétiennes à la paroisse. C’est certainement là que réside pour partie son engagement précoce à la Jeunesse Ouvrière Chrétienne avec un abbé, le Père Dumortier. De cette période, il garde des souvenirs vivaces comme celui d’avoir construit un local de toutes pièces à côté du patronage. Il y allait souvent. Là-bas, il y avait un billard, des jeux de cartes et toujours un petit coup à boire. Dans ses souvenirs, il y avait beaucoup de réunions et notamment ces fameuses recollections à St Gérard du samedi jusqu’au dimanche soir. Beaucoup des militants qu’il a fréquentés, il les a connus à la JOC dont il était devenu trésorier à la création de la section lommoise. Il avait dit à Victor Polo, toi t’es le plus vieux, tu seras le président. Avec Roger Behague comme trésorier, comme il dit la liste était rendue pleine. Dit autrement, tout le monde avait payé sa cotisation, soit plus de 50 jeunes sur Lomme.

En 1947, il a 27 ans. A cette époque, il s’engage au MRP, le Mouvement Républicain Populaire. Avec André Jésupret (cela ne s’invente pas) qui dirigeait la chorale de Délivrance. Avec Victor Charlet qu’il côtoyait à la Vétérante lommoise. Eux devaient avoir une dizaine d’années de plus que lui. Quand il parle d’eux, avec un sourire fier, il dit que c’étaient de braves types. Aucun doute possible comme pour Eugène-Martin Maisonhaute, impeccable dixit Roger Behague. Ces trois-là avec Raymond Lambin constitueront le quartet de la liste MRP qui se présente aux Municipales de 1947. Roger Behague qui lui se retrouve 14ème va jouer un rôle important dans la constitution de la liste. Si Jésupret a ramené des membres de la chorale de Délivrance comme le cheminot Léon Delaval et Henri Pécriaux, Roger Behague est allé battre la semelle au Marais parmi les responsables Jocistes. Hier comme aujourd’hui, la liste, il fallait la faire. Un exercice toujours difficile. Elle compte finalement 27 noms dont 24 hommes et 3 femmes en 8, 10 et 19ème positions. Quand je relis avec lui la liste, pas un seul nom ne lui échappe. Il se souvient de tout le monde même si tous sont aujourd’hui disparus.

L’élection municipale de 1947, que cette élection est importante ! Le MRP a donc fait sa liste tout comme la SFIO, le PCF et la droite RPF. Au soir du premier tour, le quarté s’affiche ainsi : en tête les communistes avec 36,95% des suffrages , puis les socialistes avec 28,39%, puis le RPF avec 26,12% et enfin le MRP avec ses 8,6%. En fait, avant le premier tour, la droite a tenté une fusion avec le MRP. Une réunion a même été organisée. Roger Béhague est catégorique : il n’était pas d’accord avec cette option. Pas question de voter à droite pour la place de maire redit-il soixante années après avec la même verve ! La question des alliances s’est finalement posée au second tour. Pour espérer l’emporter, la SFIO d’Arthur Notebart devait obtenir les voix centristes. Roger Béhague est là aussi catégorique : j’ai dit à Jésupret et Charlet qu’il fallait voter pour Notebart. A défaut, il aurait déchiré sa carte. Bref, il faudra retourner aux archives communales pour compléter cette histoire mais c’est un fait qu’Arthur Notebart doit son élection à la détermination de ces militants démocrates-chrétiens de 1947. Sans ironie, Roger Béhague indique qu’ils auraient pu obtenir en retour un poste d’adjoint, fusse-t-il aux cimetières. Il ne semble pas qu’ils en aient gardé quelque amertume. Comme dit Roger Behague, on a voté une fois socialiste, la fois d’après on a revoté MRP. Par contre dans son esprit, ils ne sont pas deux mais trois du MRP à avoir voté Notebart. A vérifier tout comme la place prise par un certain Gabriel Darroux.

Comme militant, Roger Béhague a tout fait. Pour les Sénatoriales, il arpentait le canton de Lomme. Il garde un excellent souvenir du Docteur Defaux, député MRP de Lille, tout comme du Sénateur Maurice Walker. Comme Roger Béhague était chauffeur et que Maurice Schumann ne conduisait pas, il allait le chercher pour le conduire à ses permanences dans les villages. Il se souvient bien que pour Maurice Schumann, l’étiquette ne comptait pas. On aidait un communiste de la même manière qu’un démocrate-chrétien. Je lui rappelle qu’avant-guerre Maurice Schumann était à la Jeune République. Il se souvient de son côté qu’il y avait quelques militants PDP à Lomme. Roger Béhague se souvient également être allé avec Georges Delfosse à Lille, au siège du MRP, à des réunions d’orateurs. Il en convient, à faire des fois, ce type d’exercice même s’il convient de la même manière avec un petit sourire qu’il n’était pas forcément totalement apte à cela.

Quand on lui demande s’il est en bonne santé, il dit que oui. Certes, il est un peu sourd mais à son âge, c’est finalement bien normal. Pour s’entretenir précisément avec lui, il faut bien articuler et répéter les choses. Il doit cependant faire attention à une jambe mais il marche tous les jours. Il ne boit que de l’eau…et du vin blanc. Pas à la maison, chez les autres ou dans des réceptions. Pour l’occasion, il est allé chercher une bière. On trinque au MRP ! Le médecin lui a dit de faire attention à la croûte.

J’ai roulé assez pour voir clair me lance t-il. Il zappe les chaines de télévision. Il me parle en effet de l’arrivée du Pape Benoit XVI à Madrid, en ne comprenant pas pourquoi certains manifestent. Il faut savoir ce que laïc veut dire, ce n’est pas une valeur de gauche ou de droite, c’est une valeur pour tous. Il y en a qui ne connaissent pas bien le français, lance t-il énervé. On ne refait pas un démocrate-chrétien qui a ainsi traversé l’histoire. Lui qui pense qu’il faut continuer d’appuyer sur le champignon…du centre. Pas étonnant qu’il préfère ceux qui aujourd’hui font le Nouveau Centre même si Bayrou reste un chic type. Comme Jean Lecanuet qui a du être le dernier Président du MRP et le premier du Centre Démocrate. J’ai vu dans les yeux de Roger Béhague que Lecanuet était un grand homme ou un chic type, c’est comme vous voulez !

On a parlé de la JOC. En 1937, c’est le 10ème anniversaire de la J.OC. Ils sont 80 000 jeunes à remplir le terrain et les tribunes du Parc des Princes à Paris. Le Cardinal Gerlier se retourne vers Marc Sangnier et lui dit : « Marc, soyez heureux ce soir, car vous êtes l’un des grands ouvriers de la merveille que nous venons de voir. N’est-ce pas le même témoignage que portait François Mauriac le lendemain de sa mort, en écrivant : « tout ce qui est venu après lui du mouvement social catholique lui doit en partie la vie » ?

Ce portrait de Roger Béhague est important. Il rappelle ce que disait Léonard Constant à propos de la Jeune République : « la flamme du dévouement, la vocation de servir ont jailli un soir d’enthousiasme dans le coeur des jeunes ouvriers ».

Nous sommes là au cœur d’une réalité développée par Marc Sangnier qui a cherché à fédérer « dans une même amitié ». Louis Harmel ne disait pas autre chose quand il évoquait la « formation sociale de la jeunesse ouvrière par elle-même, car le Sillon est dans le peuple ».