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12/01/2017

L'Eglise dans le champ politique : une question d'actualité...

 

Comment un politologue situe-t-il l’Église dans le champ politique ?

 

Jeudi 12 janvier 2017

 

(Seul le prononcé fait foi)

 

 

retrouver_le_sens_du_politique.jpgUne journée pour s'interroger sur les rapports entre chrétiens et vie politique après les attentats ou encore le Brexit, dans le contexte pré-électoral actuel.

 

Cette journée est ouverte à tous. Elle est organisée par le Service diocésain de la Formation des Chrétiens et la faculté de Théologie de Lille.

 

Programme

 

9h30 : Ouverture de la journée par Mgr Ulrich

9h45 : « Le Politique dans la Bible », Catherine Vialle

10h15 : « Le regard de la philosophie médiévale », Pascaline Turpin

10h45 : « Église et Politique au XXe siècle », Michel Castro

11h15 : « Comment un politologue situe-t-il l’Église dans le champ politique ? », Denis Vinckier - texte en PDF

13h15 : Réflexions en petits groupes

14h15 : « Église, chrétiens et politique dans le monde de ce temps », Luc Dubrulle

15h15 : Table ronde

16h00 : Fin de la journée

 

 

Introduction :

 

Merci aux organisateurs de cette journée pour l’invitation à réfléchir, à l’heure de l’apéritif, sur cette « question ouverte » de la situation de l’Eglise dans le champ politique.

 

Elle est intéressante pour l’élu que je suis (Conseiller régional) qui est à la fois un acteur et aussi un observateur.

 

Un acteur qui aime dire qu’il agit en chrétien et pas en tant que chrétien selon la distinction toujours utile de Jacques Maritain. Et qui est aussi profondément attaché au fait qu’il faut se distinguer pour (s’) unir.

 

Un observateur qui pense avoir assez de recul avec le « jeu politique traditionnel » pour jouer devant vous au politologue.

 

La question est utile aussi car elle est va au-delà de celle qui tourne autour de la laïcité. Et quand bien même l’Etat ne reconnait aucune religion, il ne les méconnait pas. Il y a donc des formes de contributions, d’échanges, d’apports, des relations, des interactions qu’il est intéressant d’observer. Il faudrait bien évidemment un travail scientifique plus profond et plus long mais je vais proposer quelques pistes à partir de constats plus ou moins récents.

 

La question de l’Eglise, de ses apports en interaction avec le champ politique, devait nous amener à « saucissonner » les acteurs de l’Eglise, à des fins de meilleure compréhension.

 

Il faudra donc regarder quelques effets induits d’abord par ce Pape très « politique » qu’est François, évêque de Rome.

 

Evidemment observer la posture des évêques (préoccupés et qui aiment leur pays) qui invitent (et cela ne date pas d’hier)

    • Lourdes – 1972 : pour une pratique chrétienne de la politique
    • 1991 – La politique l’affaire de tous
    • Récemment dans un monde qui change, retrouver le sens du politique
      • Regarder le monde en face
      • Un cri d’alarme pour le Monde (14 octobre 2016)
      •  

Dans tout cela, dans un contexte curieux où des formes de « dépistage des candidats catholiques » continue – Certains sites se proposent ainsi tel Aleteia de se pencher sur les candidats de la Primaire de la gauche pour se demander lequel est le plus catholique. La pratique n’est que la prolongation des analyses précédentes sur les candidats de la Primaire de la droite : la volonté d’attribuer des labels de catholicité en politique.

 

Comme si « Être catholique devenait toujours plus un marqueur sociologique, une donnée communautaire ? s’interroge le site Le Samaritain. Ajoutant que cela soulève deux questions : celle de la place des catholiques qui ne se reconnaîtraient pas dans ces marqueurs identitaires dans l’Eglise, qui est au fond celle de notre capacité à accepter des différences d’interprétation et la mise en débat, et, d’autre part, la question de l’assimilation de la foi à des marqueurs sociologiques. La cristallisation d’une « communauté catholique », par le fait même de ses spécificités dans le monde contemporain, devrait soulever toujours davantage ces questions.

 

Cette journée tombe à pic.

 

Evidemment, beaucoup de déclarations sont certainement justifiées par le fait que nous sommes à quelques mois d’une élection majeure. Il est intéressant de voir comment se comportent les hommes et femmes politiques / les partis politiques vis-à-vis de l’Eglise. Comment ils l’interpellent ? A qui s’adressent-ils ? Le type et la forme des messages ? Autant de pratiques à observer en lien avec notre sujet.

 

Sur notre sujet, il y a des contributions intéressantes sur la base de colloques qui se sont tenus dans cette université :

 

-        Y-a-t-il des valeurs chrétiennes ? – L’Harmattan, octobre 2016

-        Les chrétiens dans les débats de société d’aujourd’hui (Mélanges de science religieuse – T 72 – 2015 N°3).

-        Dieu et César, séparés pour coopérer ? Desclée de Brouwer, 2010

-        Théologie et politique : une relation ambivalente. L’Harmattan, 2009

 

 

Dans cette distinction qu’il nous faut faire dans les acteurs de l’Eglise, il y a évidemment cette somme d’engagements personnels pas forcément quantifiables (j’en suis un modeste exemple même si je constate que l’engagement politique reste périlleux pour les catholiques, peur de la division, peur de l’affrontement). Pour autant les appels ne manquent, le dernier en date :

 

Catholiques, engageons-nous (Pierre-Hervé Grosjean).

 

  • Cessons de rêver à une classe politique parfaite

 

  • Les cathos sont souvent très durs avec les politiques. Parce qu’ils ne semblent pas avoir de convictions très solides. Que fait-on ? 3 solutions
    • Attendre le Messie. Il est déjà venu. Ne nous trompons pas de sauveur…sous peine d’être éternellement déçus. Arrêtons ce regard immature qui rêve d’un monde politique parfait. Soyons exigeants avec eux…et encourageants.
    • Investir leur entourage. Partout où se trouve un chrétien engagé, il y a la possibilité pour nos convictions de rayonner. En se fixant les lignes rouges de compromission à ne pas dépasser.
    • Prendre leur place comme dernière solution. Il faut apprendre à utiliser le système tout en restant libres. Nous savons dénoncer le mal…il nous faut aussi faire le bien. Il y a un véritable effort à faire, dans la réflexion et la production d’idées. En prenant garde de ne pas absolutiser ce qui ne l’est pas. Le camp choisi n’est pas sacré…

 

L’Eglise n’infantilise jamais ses fidèles ni les citoyens mais en appelle aux consciences et à la capacité de chacun à réfléchir.

 

L’Eglise appelle et continue d’appeler les chrétiens à réhabiliter la politique, à l’investir donc, en la vivant comme le service et la plus haute forme de la charité.

 

L’Eglise doit réveiller aussi parfois la mémoire d’individualités aux parcours inédits. Hier soir, ici, j’assistais ici à une très belle conférence de Bruno Béthouart sur Robert, père de l’Europe. Un catholique qui, comme homme des frontières, s’est d’abord interrogé sur les erreurs commises vis-à-vis de l’Allemagne et qui, devenu Ministre des affaires étrangères, s’est rapproché d’autres hommes de frontières, spiritualistes comme lui. Schuman, De Gasperi et Adenauer ont mis en mouvement des pays qui se faisaient la guerre depuis des siècles.

 

Et c’est aussi très signifiant me semble-t-il, au-delà des engagements personnels, il y a surtout un ensemble de mouvements, d’institutions qui sont l’Eglise et qui apporte au champ politique, nous y reviendrons.

 

 

Avant d’entrer totalement dans le sujet, et son exploration, je voudrais souligner ceci :

 

Il faut distinguer ce qui relève des circonstances exceptionnelles : attentats, où ce sont les circonstances qui appellent d’abord les Eglises, toutes les traditions religieuses dans une forme de « communion nationale ». C’est ainsi que l’on a vu, hélas, à plusieurs reprises, le ballet des responsables du culte aller rencontrer les plus hautes autorités et en ressortir avec une déclaration sur le perron de l’Elysée ou Matignon.

Au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo :

Les responsables religieux condamnent l'attentat. Entouré par ses homologues des autres religions, le pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, lit une déclaration commune exprimant la « révolte » des représentants religieux français face à « cet acte odieux […] qui ne peut avoir aucune justification, dans aucune religion, quelle qu’elle soit ».

Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France déplore « le drame de l’ignorance mutuelle » tandis que le grand rabbin de France, Haïm Korsia, affirme qu'« il faut que dans notre société, quand l’un est faible, quand l’un est attaqué, un autre vienne et lui porte les bras », comparant l'événement à un épisode de l'Exode. Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, fustige « avec la plus grande détermination l’attaque terroriste d’une exceptionnelle violence ».

 

Distinguer ce qui relève de moments privilégiés où les élus et responsables peuvent s’exprimer plus librement : remise de la légion d’honneur au Recteur de l’Institut Catholique de Paris par Bernard Cazeneuve, alors Ministre de l’Intérieur et donc des cultes. Hôtel de Beauvau – 8 avril 2015

« Ministre de la République, je ne m’interdis évidemment pas de me rendre dans des lieux « où souffle l’esprit ». En effet, si la République ne reconnaît aucun culte, elle se doit de dialoguer avec tous. Dans l’époque troublée qui est la nôtre, lorsque certains tentent d’instrumentaliser la laïcité et de la détourner de sa vocation, je crois qu’il faut plus que jamais tenir bon sur les principes qui nous permettent de vivre en bonne intelligence les uns avec les autres, quelles que soient nos convictions et nos croyances personnelles. C’est précisément la laïcité qui rend possible ce dialogue serein, que nous appelons tous de nos vœux. La laïcité qui est à la fois un principe d’organisation de l’Etat et la garantie accordée à chaque citoyen de bénéficier de la liberté de conscience, de la liberté de croire ou de ne pas croire et, pour celui qui croit, de vivre sa foi en toute sérénité. Le grand historien Claude NICOLET ajoutait que la laïcité est également une « ascèse individuelle, une conquête de soi sur soi-même », contre tous les dogmatismes. C’est ce qu’il appelait la « laïcité intérieure », qu’il n’hésitait pas à comparer à un « exercice spirituel ». Cette exigence-là, je crois que nous pouvons tous la partager, que nous soyons croyants ou non, puisqu’aussi bien nous sommes tous frères en humanité – nous appartenons tous à cette « famille humaine » souvent habitée par le doute que vous avez fort bien décrite, cher Philippe BORDEYNE, dans votre dernier ouvrage ».

 

Je pense aussi au fait que dans le cadre de ses tournées pastorales, notre archevêque a cherché à rencontrer systématiquement les maires et les élus locaux. De même qu’il a pris le parti de s’adresser aux forces vives et donc les élus et représentants des corps constitués de l’Etat, au moment des vœux.

 

Distinguer ce qui relève du « lobbying » par définition souterrain. A ce stade « Sens commun » que je connais mal a incontestablement joué un rôle dans la primaire de la droite (soutien sans participation). Pas facile d’évaluer le rôle de ce lobbying à différents étages. Il existe je le redis incontestablement.

 

Distinguer enfin le quotidien politique où les élus s’affrontent dans le cadre de la République. C’est de ce point de vue qu’il est plus aisé de mesurer l’étendue de notre sujet : comment situer l’Eglise dans le champ politique.

Partie émergée de l’iceberg en espérant (plus un souhait) que la contribution de l’Eglise au sens large soit plutôt-là.

 

Dans notre diocèse où nous avons une forte tradition de présence au monde, ce qui est très positif pour nous, Mgr Ulrich s’est vu attribuer la Légion d’honneur, insigne républicain délivré par le pouvoir politique. Un signe des temps intéressant de notre point de vue, à cause de la justification que nous avons pu en lire à postériori :

 

La signification pour Mgr Laurent Ulrich (source la Croix – Samuel Lieven) : C’est d’abord quelque chose de touchant, un signe de reconnaissance à l’égard de ce que l’on fait et des engagements que l’on prend. Cette distinction – à laquelle je n’étais nullement candidat, pas plus que je ne sais qui m’a recommandé au ministère de l’intérieur – signifie aussi que ce que l’on fait en tant qu’évêque ou ecclésiastique n’est pas réservé à une partie de la population, à une communauté à part, mais participe du bien commun.

De ce point de vue, on touche au cœur de la tradition laïque et républicaine : chacun est membre de l’unique communauté nationale, quelles que soient son activité et sa conviction.

En quoi l’action d’un évêque participe-t-elle au bien commun ?

Mgr Laurent Ulrich : Nos engagements, nos prises de parole et leur répercussion dans l’espace public peuvent tout d’abord être perçus comme faisant du bien au sein de la population. L’engagement de l’Église au service des plus fragiles, des communautés et de l’intégration des composantes les plus diverses de la société sont aussi facteur de bien-être et de cohésion dans le pays.

Enfin, la manière de conduire l’Église participe également au bien commun. Si j’étais un agitateur inconséquent, je ne pense pas que j’aurais reçu cette distinction.

La reconnaissance officielle est-elle vraiment compatible avec la radicalité de l’Évangile ?

Mgr Ulrich : Jusqu’à présent, cela n’a pas empêché l’Église de s’exprimer, comme elle l’a encore fait récemment avec le document Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique. Les élus, les candidats ou les responsables à qui je l’ai envoyé ont reconnu la valeur de cette prise de parole : sans être partisane, elle souligne les enjeux qui se posent à la veille de cette année cruciale au plan électoral.

Ce signe de reconnaissance signifie finalement que l’Église a droit à la parole et c’est très positif dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui.

Est-ce une manière, après une période au cours de laquelle nombre de catholiques ont pu se sentir négligés dans le débat public, de pacifier la situation ?

Mgr Ulrich : D’un côté, on entend beaucoup de critiques sur le mode : « Mais de quoi l’Église se mêle-t-elle ? » D’un autre côté, l’État a toujours donné des signes rappelant que l’Église a le droit à la parole. Au fond, c’est une manière pour ce dernier de nous dire : « Quel que soit votre positionnement, vous avez le droit de parler. » Cela a évidemment une vertu pacificatrice dans une société où on peut ne pas partager la même opinion mais, néanmoins, l’exprimer. C’est même un signe de bonne santé !

 

 

L’Église a droit à la parole et c’est très positif, ce sera donc mon fil rouge, en distinguant les acteurs de l’Eglise.

 

Le Pape d’abord

 

Les Papes ont toujours eu droit à la parole avec plus ou moins de succès. Mais depuis Léon XIII, la tradition du discours social et sociétal intégral inspire les papes successifs. L’enrichissement progressif d’une doctrine sociale. Force est de constater que nous avons avec le pape François un Pape communicant et politique. Il appelle par ailleurs à faire de la petite et de la grande politique, à ne pas « rester au balcon ». Citant Schuman et De Gasperi, il déclare ni plus ni moins que l’on peut devenir Saint en faisant de la politique. De bonne augure pour la béatification de Robert Schuman.

 

 

Le Pape François évoque beaucoup les périphéries

 

Le pape François ne cesse d’appeler l’Église à une vaste « conversion pastorale » pour retrouver la « joie de l’Évangile » et l’annoncer aux « périphéries géographiques et existentielles ».

 

Il s’inscrit à la fois dans la continuité de ses prédécesseurs tout en articulant d’une manière nouvelle une vision de l’Église dont toute la vie doit être tournée vers l’évangélisation et non vers une autocélébration ou une autoreproduction de ses structures.

 

« L’Église doit sortir d’elle-même », martèle-t-il. Et non pas préserver ses structures ni vivre « repliée sur elle-même et pour elle-même ». Elle doit avoir le courage de sortir de ses frontières, de ses habitudes pour « aller et porter l’Évangile » là où il n’est pas entendu ou reçu. Elle ne doit pas attendre que le monde vienne à elle, mais « aller dans les périphéries géographiques mais également existentielles : là où réside le mystère du péché, la douleur, l’injustice… là où sont toutes les misères ». Tel est le nouveau « paradigme » de ce pontificat. Un message élaboré lors de la Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes, à Aparecida, en 2007, et lancé dès les congrégations générales qui ont conduit à son élection.

 

Dans ce but, le pape François appelle à une conversion pastorale : si elle veut évangéliser, l’Église doit être cohérente et donc se réformer elle-même, à commencer par ses prêtres et ses évêques. Ne pas fonctionner comme une « douane », mais « faciliter » l’accès à la foi. C’est en étant une « Église de la miséricorde » qui accueille sans juger, un « hôpital de campagne » pour soigner les blessés de l’existence, une « mère » intéressée par les soucis de ses enfants, qu’elle sera évangélisatrice…

 

« L’urgence de ce renouveau est adressée à chacun »

 

Pivot de cette conversion : la place des pauvres, qui va bien au-delà d’une action caritative. Pour devenir un véritable disciple missionnaire, encore faut-il se laisser « évangéliser par les pauvres », affirme le pape, insistant sur « la force évangélisatrice de la religiosité populaire » et sur les conséquences sociales et politiques de l’évangélisation.

 

Pris un par un, ces éléments sont très classiques. « Le pape s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs depuis Léon XIII, dans ce double mouvement d’ouverture au monde et de réforme de l’Église », relève Marc de Leyritz, fondateur des parcours Alpha en France (1).

 

Mais l’articulation de l’ensemble forme la vision de l’évangélisation selon le pape François « qui ne se résume pas à aller distribuer des tracts mais qui englobe toute l’Église et déplace tout le monde, poursuit ce laïc qui participait au Synode sur la nouvelle évangélisation, en octobre 2012. Ainsi ceux qui se cantonnent à l’évangélisation de rue sont renvoyés au service des pauvres, ceux qui privilégient l’engagement caritatif sont invités à l’adoration… L’urgence de ce renouveau est adressée à chacun pour former des disciples missionnaires libres. »

 

« Ne pas prétendre avoir la vérité tout seul »

Nulle rupture et pourtant des accents nouveaux sur le fond comme sur la forme. Avec, d’une part, la priorité donnée au kérygme, l’annonce de l’amour de Dieu qui sauve par son Fils Jésus-Christ, sur les conséquences morales, religieuses, de la foi.

 

« Il recentre l’annonce sur le cœur de la foi, relève le P. Jean-Pierre Roche, prêtre du diocèse de Créteil en mission ouvrière et théologien, mais il insiste également beaucoup sur la manière de le faire, qui doit être évangélique. En particulier sur la joie, sur l’humilité – ne pas prétendre avoir la vérité tout seul – et sur la miséricorde : avoir le cœur touché par les misères de l’autre, avant tout jugement, comme il l’a montré pour les homosexuels, dans l’avion de Rio. »

 

En changeant de langage et en ne parlant plus de « nouvelle évangélisation » mais de « mission » ou d’« évangélisation » tout court, le pape a-t-il pour autant tourné le dos au leitmotiv de Jean-Paul II et de Benoît XVI ?

 

Mise en pratique

Certes, avance le P. Roche, « le fait que son exhortation apostolique ne soit pas appelée post-synodale et qu’il n’ait pas cité le Synode sur la nouvelle évangélisation – hormis les propositions des évêques –, mais proposé son propre discours programmatique avec Evangelii gaudium peut laisser penser qu’il a été quelque peu déçu des conclusions de ce Synode. »

 

Mais, aux yeux du P. Roche, il y a bel et bien continuité : « Simplement la nouvelle évangélisation est sans doute une problématique trop liée à l’Europe occidentale, alors que la sécularisation n’est pas si avancée en Amérique latine ».

 

« Cette expression a servi pendant vingt-cinq ans à réveiller l’Église, mais l’étincelle est allumée. Avec François, on n’en parle plus, pour ainsi dire, on la met en pratique », complète Marc de Leyritz, qui pointe deux inspirations fondamentales de la pensée missionnaire du pape : « Il vient d’un continent où l’Église a affiné pendant vingt-cinq ans la discussion difficile et féconde sur la théologie de la libération, pour aboutir à une théologie très adaptée au monde d’aujourd’hui. Sur le plan pastoral, en côtoyant les pentecôtistes, l’Église sud-américaine a retrouvé l’élan de ses origines et découvert là encore une manière très pertinente de s’adresser au monde. »

 

La notion de périphéries et de frontières…

 

A titre personnel, cela va bientôt faire 30 ans que je suis engagé en politique. Je dois tout ou presque à cette rencontre formidable avec André Diligent. Il se définissait lui-même, en petit comité, comme un drôle de chrétien affirmant à qui voulait l’entendre que tout était dit dans les pages du Sermon sur la montagne.

 

Mais cette question des périphéries et des frontières, était structurante de son engagement, c’est-à-dire d’un demi-siècle de vie politique. Ni à droite, ni à gauche, il était un européen convaincu au point de s’étonner qu’on ne dépasse pas plus que cela la frontière avec la Belgique. Avec les protestants, avec les musulmans, avec les pauvres, il n’y avait pas pour lui de frontière, il n’y avait pas pour lui de barrière. Il l’a montré dans cette région de manière pas toujours officielle mais ce n’est pas pour rien que la fin de son ouvrage testament « La charrue et l’étoile » se termine par une citation d’Helder Camara qu’il avait rencontré à deux reprises je crois : « les pires raisons que l’on puisse enlever à des jeunes ce sont les raisons d’espérer ».

 

 

 

Comment le Pape François est-il reçu par les politiques ?

 

A gauche, on le cite volontiers. Un seul exemple récent : Benoit Hamon à qui l’on pose la question de la minorité persécutée des chrétiens d’orient.

  1. H. : J’aurai une politique d’hospitalité. La parole la plus forte que l’on ait entendue ces derniers mois en Europe est celle du pape François. Il a livré une leçon remarquable d’hospitalité, de fraternité. On met sur le dos de la Commission européenne le fait de ne pas vouloir aller assez loin en matière d’accueil des migrants, mais en réalité ce sont les États comme la Hongrie, la Pologne mais aussi la France qui ont décidé de n’accueillir qu’une petite partie de celles et ceux qui fuient les persécutions. Parmi eux, il y a évidemment les chrétiens d’orient. Pour autant, je ne pense pas que la solution passe par le maintien de Bachar Al Assad. Oui, le régime syrien a pu protéger la minorité chrétienne, mais aujourd’hui il est l’auteur de crimes contre l’humanité.

 

Il a été question du Pape entre les deux tours de la primaire de la droite. Je reviendrai sur l’avant 1er tour.

 

On a assisté entre deux tours à un exercice que je peux me contenter de décrire :

 

  • Juppé se dit plus proche de la parole du Pape François que de la Manif pour tous. Soulignant qu’il parle à « ses co-religionnaires catholiques ». Mais il savait certainement que la messe était dite pour lui…

 

  • Le journal Le Monde du 22 novembre revient sur l’épisode en titrant : « Le Pape voterait-il pour Juppé ? ».
  • Juppé souligne qu’il est le plus ouvert au modernisme.
  • Fillon réplique : Je ne suis pas sûr qu’il (NDLR Juppé) ait totalement écouté ou lu le Pape François. Ambiance…
  • Et le Monde de s’ériger en drôle d’arbitre… « C’est plutôt Fillon qui dit vrai…En tous cas, si l’on retrace les dernières prises de position du Pontife sur les sujets de société qui divisent les deux candidats. Et de s’appuyer sur la déclaration sur l’avortement et le mariage pour les couples du même sexe ».

 

 

Pour être au rendez-vous d’une forme de pluralisme sur les réactions concernant le Pape, je dois dire que suite à la sortie de l’encyclique Laudato Si, en pleine campagne des régionales, en novembre 2015, la liste EELV/PDG (Sandrine Rousseau / Laurent Matejko) ont pris une initiative assez remarquable d’inviter un certain nombre de mouvements, la plupart d’Eglise, à entrer le temps d’une soirée en dialogue autour de l’encyclique. Je pense qu’en termes de signaux faibles et très en lien avec notre sujet, il y a là une initiative dont il faut garder la mémoire.

 

    • Dans l’encyclique Laudato Si, le Pape rappelle la nécessité du politique.
      • Il défend le rôle des institutions, dont les institutions politiques, qui ont pour rôle de « réguler les relations humaines » (142).
      • Il souligne aussi qu’« on ne peut justifier une économie sans politique » (196).
      • Le pape insiste : « Le cadre politique et institutionnel n’est pas là seulement pour éviter les mauvaises pratiques, mais aussi pour encourager les bonnes pratiques, pour stimuler la créativité qui cherche de nouvelles voies, pour faciliter les initiatives personnelles et collectives » (197).  

 

 

 

 

L’Église a droit à la parole et c’est très positif

 

L’Eglise : les évêques

 

Les évêques appellent ni plus ni moins qu’à un travail de refondation (titre de la croix du 13 octobre 2016). Et si vous avez cette Une du Monde du même jour, c’est une relique, un véritable poster !

 

 

J’ai évoqué en introduction les travaux qui avaient pu avoir lieu dans cette maison :

 

Le lien entre religion et politique nous apparait plus brûlant que jamais et d’autant plus que nos sociétés européennes ont cru le briser définitivement écrivait Jean-Luc Blaquart comme point d’attention des débats à ouvrir en 2009 (Introduction de l’ouvrage théologie et politique : une relation ambivalente).

 

Derrière le cadre que formaient les 3 acteurs visés par la séparation laïque (Etat, Eglise, Individu), une réalité sociale, opaque, plurielle et fluctuante, se manifeste. Elle ne se laisse pas définir sous les cadres évidents et rassurants de la « religion » et de la « politique ». Non seulement, le « religieux » échappe aux « religions » (…) mais aussi « le politique » échappe à « la politique ». (…) Le système démocratique gère une contradiction : il doit séparer les instances comme garantie de leur liberté, il doit les faire coopérer comme moyen de leur efficacité. Entre Dieu et César, il s’agit donc de développer une coopération pour l’intelligence, une intercompréhension et une explicitation du sous-sol commun. (Conclusion de Dieu et César, séparé pour coopérer).

 

 

Ce n’est donc certainement par éloigné de ce sentiment que « l’Eglise constate que des pans entiers du lien social s’effondrent – le contrat social a besoin d’être redéfini » (titre en exergue interview Mgr Pontier dans le Monde)

 

    • « La politique » a pris le dessus sur « le politique ». L’organisation a pris le dessus sur les orientations, les projets. On fait des lois et des lois, mais on ne crée pas une capacité à vivre ensemble. On court derrière les exigences de l’économie et de la finance, mais on n’arrive pas à reprendre la main sur les contraintes qui dépassent les Etats. Ce n’est pas cela qui remplit le cœur et la vie des hommes. On ne peut donner le meilleur de soi à un pays si on ne le perçoit pas comme équitable pour l’ensemble de la population.
    •  
    • En second lieu, il fallait réfléchir au concept de nation, de pays, dans une société qui est devenue, qu’on le veuille ou non, pluraliste, plurielle. Comment réfléchir à une identité ? Pas en cherchant à revenir à une supposée identité fermée, éternelle, que tout le monde aurait partagée dans le passé, alors même que les courants migratoires, il y en a eu de tout temps ! Qui, dans sa généalogie, n’a pas une branche venue d’ailleurs ?
    •  
    • Sur le vote FN : Que leur dire ? D’abord, on voit bien qu’au sein du Front national il y a eu une rupture, la conscience que pour accéder au pouvoir, il fallait changer son image. Regardons objectivement les courants au sein du FN qui ont mené à la rupture avec son fondateur. Ensuite, quel est le projet proposé ? On voit bien que c’est un projet qui nous referme, sur notre pays, sur les « authentiques » Français, qui nous referme par rapport à l’Europe, aux libertés individuelles.

 

    • Il y a un gros risque à se laisser embarquer là-dedans. On a besoin d’hommes politiques qui portent le courant de l’ouverture, de la confiance. Qui donnent de l’air ! S’agissant des catholiques, je leur dirais : lisez plus souvent l’Evangile que les textes politiques. Vous y trouverez un souffle qui vous rend accueillant.
    • Sur le « mariage pour tous » : Cela fait partie des sujets qui tracassent un certain nombre de Français. Il est donc légitime que certains posent la question aux candidats. Après, comment le situer dans la hiérarchie des préoccupations ? Il faudrait que ceux qui militent dans ce sens [i.e. contre la loi Taubira] ne militent pas que pour cela. S’ils font une fixation sur ce seul point, ils risquent d’obtenir le résultat inverse car ils donnent l’apparence d’une « militance » excessive.

 

 

  • Le dernier mot ne doit pas rester à la violence.

 

 

 

Cette « incursion » des évêques dans le débat politique n’est pas passée inaperçue. Et comme la droite était en pleine primaire, chacun des candidats y est allé de sa propre réaction. Enfin, soyons précis, tous les candidats ont cherché à se positionner pensant qu’il y avait certainement un enjeu politique, tous les candidats sauf NKM, Jean-Frédéric Poisson (PCD) et Jean-François Copé.

 

Les formes de réponses ont été très personnelles et différentes. C’est très difficile d’appréhender l’impact de ces différentes initiatives, on peut penser de prime abord à un impact faible.

 

Alain Juppé lui écrit aux catholiques à trois jours du premier tour de la primaire, celui qui était le favori des sondages a réalisé un mailing à l’attention des catholiques français. Il y réagit, comme l’avaient fait François Fillon et Bruno Le Maire avant lui, au texte des évêques sur la politique, mais sans s’adresser directement aux évêques.

Pour parler aux catholiques, François Fillon et Bruno Le Maire avaient choisi d’écrire une lettre adressée aux évêques de France. Fillon avait commencé sa lettre par un plutôt laïc « Monsieur les Evêques », tandis que Bruno Le Maire avaient utilisé un « Exellences ». Hors périmètre primaire de la droite, Nicolas Dupont-Aignan avait lui écrit en utilisant un « Messeigneurs ».

L’envoi massif d’e-mails, le jeudi 17 novembre par Alain Juppé, a parenthèse suscité des questions sur la nature des fichiers, de nombreux destinataires « catholiques » de cet envoi « pas très catholique » ayant manifesté leur mécontentement.

Sur le fond, ce qui importe, Alain Juppé, s’est dit « très sensible » au texte des évêques et il profite pour commenter leur Assemblée plénière, qui s’est déroulée à Lourdes début novembre, et que le candidat à la primaire de la droite assure avoir suivie « avec beaucoup d’intérêt ».

« Je rejoins en particulier les évêques sur le constat d’une société à vif, et sur la nécessité de redéfinir le contrat républicain permettant la cohésion sur le territoire national », écrit Alain Juppé. Lui qui s’est présenté, au cours de la campagne, comme un candidat responsable et mesuré, dit penser, « comme les évêques, que la modération est une exigence de tous les instants » et que « la culture du compromis n’est pas la compromission ».

Le christianisme « par construction » instrument de dialogue avec l’islam

Revenant sur l’assemblée de Lourdes, le maire de Bordeaux rend hommage au cardinal Jean-Louis Tauran, qui est intervenu devant les évêques de France sur la question du dialogue interreligieux, en particulier avec l’islam. Là encore, il a été « très sensible » à son propos. « Je n’oublie pas qu’il a été un excellent ministre des affaires étrangères sous le pontificat de Jean-Paul II », écrit Alain Juppé, qui a lui-même été ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, en 2011 et 2012.

Poursuivant sur la question du dialogue avec l’islam, et tout en rappelant sa « farouche détermination à combattre l’islam radical », il cherche, comme ses concurrents, à montrer l’importance qu’il accorde au christianisme et à l’Église dans la société. « Je pense que le christianisme est, par construction, “une invitation et une source”, pour mieux dialoguer avec les musulmans », écrit-il ainsi, dans une formule surprenante souligne le journaliste de La Croix.

« La laïcité, ce n’est pas l’ignorance ou le rejet du fait religieux, mais la reconnaissance et le dialogue », dit-il encore aux évêques, qui prônent dans leur texte une « laïcité ouverte ».

« Les préoccupations des évêques relatives à l’écologie intégrale, et à la place de la famille dans notre société sont également les miennes », poursuit Alain Juppé, abordant la question familiale que François Fillon avait également mise au cœur de sa lettre – Bruno Le Maire l’abordant également dans une moindre mesure.

« Premier cercle de confiance », la famille a été, affirme-t-il, « trop souvent mise à mal depuis 2012 ». Favorable au mariage et à l’adoption par les couples de même sexe, il estime pourtant être « pleinement engagé pour les droits de l’enfant et la filiation ». Il redit notamment son opposition à la gestation pour autrui (GPA), « saut anthropologique qu’il ne faudra jamais franchir ». Il se dit même « prêt à prendre la tête de la fronde » si des jurisprudences de la Cour de cassation ou de la Cour européenne des droits de l’homme venaient à l’autoriser. Il indique aussi sa position sur la procréation médicalement assistée (PMA) « qui doit être strictement réservée aux couples hétérosexuels stériles en âge de procréer ».

Il en profite pour mettre en avant deux de ses soutiens, qu’il cite nommément, les députés Hervé Mariton et Philippe Gosselin, qui se sont fait remarquer en 2013 pour leur opposition farouche à la loi Taubira dans l’hémicycle, et leur participation régulière aux défilés de la Manif Pour Tous.

Juppé favori des sondages, y compris chez les catholiques selon un sondage IFOP pour le Pèlerin, publié le 15 novembre.

En conclusion, Alain Juppé affirme sa volonté de « redonner confiance aux Français dans la politique et la recherche du bien commun ». « C’est ce qui donne du sens à mon engagement, et c’est aussi ce que m’a appris l’Église », assure Alain Juppé, qui s’est récemment défini dans une interview comme un « catholique agnostique ». Il rend hommage au « magistère du pape François », après avoir pris, il y a quelques années, ses distances avec son prédécesseur Benoît XVI. « Pour construire la France de demain, j’ai besoin de vous », lance-t-il enfin aux catholiques.

 

François Fillon écrit lui directement aux évêques pour défendre ses choix politiques.

François Fillon, dans une lettre adressée au Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, redit son attachement aux « valeurs héritées du christianisme ». Depuis il a été plus loin en se déclarant « Gaulliste et chrétien », nous y reviendrons.

Dans une lettre adressée au Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, le candidat à la primaire de la droite François Fillon défend ses choix politiques. L’ancien premier ministre explique avoir pris soin de lire le texte des évêques « Dans un monde qui change retrouver le sens du politique », publié le 14 octobre.

Les évêques y faisaient le constat d’une société française « inquiète, anxieuse, insatisfaite ». Ils appelaient à une refondation du « contrat social » et défendaient une « laïcité ouverte » dans une société multiculturelle.

François Fillon ne se dit pas partisan d’une laïcité stricte

Dans sa lettre, François Fillon revient d’abord sur la question de l’identité. « La dignité de la personne humaine et la tolérance, le souci du faible et de l’égalité, l’esprit d’entreprendre et la liberté : autant de valeurs héritées du christianisme et des Lumières, autant de valeurs et d’idées qui ont germé en France et en Europe pour faire valoir une certaine conception de l’Homme », écrit-il avant d’évoquer la question de l’islam radical.

« Face à la montée de ce que j’appelle le « totalitarisme islamique » nous devons opposer la certitude de nos valeurs, sans céder au relativisme ». Le député de Paris ne se dit pas partisan d’une laïcité stricte. « Soyons fermes sur nos valeurs (…) Mais attention, à vouloir faire voter des lois pour durcir encore davantage les règles de la laïcité, nous risquerions de porter atteinte à la liberté religieuse, ce qui n’est pas acceptable à mes yeux ».

L’ancien premier ministre qui prône un programme économique très libéral défend ensuite son modèle. Il s’oppose à un capitalisme de « connivence », « celui où des lobbys obtiennent des avantages au détriment du bien commun et de l’intérêt général. Où le chef d’entreprise qui a échoué empoche ses dividendes sans se soucier de ses salariés. »

Ses propositions pour la famille

Il se dit pour « un capitalisme qui ne s’affranchit pas de l’homme, un capitalisme créateur de richesses et outil d’émancipation pour les plus faibles. » François Fillon, évoque aussi l’écologie, qu’il n’a pas pourtant placée au cœur de son programme pour la primaire de la droite.

Il se réfère à l’encyclique « Laudato Si » du pape François qui « sonne comme un avertissement ». Et explique qu’il compte instaurer à l’échelle européenne une « taxe carbone à un niveau au moins égal à 30 € la tonne ».

L’ancien premier ministre met aussi en avant ses propositions pour la famille. Il confirme qu’il réécrira la loi sur le mariage pour tous pour « figer le principe selon lequel un enfant est toujours le fruit d’un père et d’une mère ».

Un message adressé à l’électorat catholique

Le candidat à la primaire de la droite entend ainsi « réserver l’adoption plénière aux couples hétérosexuels, limiter strictement l’accès à la PMA aux couples hétérosexuels stériles et interdire la GPA qui est une instrumentalisation inadmissible du corps des femmes ».

À travers cette lettre aux évêques de France, François Fillon qui est soutenu par Sens commun, l’association issue de « La manif pour tous » au sein des Républicains, adresse aussi un signe à l’électorat catholique.

 

À son tour, Bruno Le Maire écrit aux évêques de France

La lettre est datée du lundi 14 novembre, moins d’une semaine avant le premier tour de la primaire de la droite. Les sondages placent à ce moment-là Bruno Le Maire à la 4e place de cette élection, avec 9 % des voix.

« Votre voix est légitime et elle contribue à un débat éclairé », assure le député de l’Eure aux évêques, avec lesquels il affiche en premier lieu ses convergences. « Nous avons en partage cet amour de la France », leur écrit-il. Il indique partager avec eux « un constat lucide de la situation de notre pays », mentionnant « la nervosité montante du peuple français, le sentiment de déclassement, la perte de sens et finalement le climat de tristesse qui s’est abattu sur la France ».

Dans les 90 pages qui composent le texte de la Conférence des évêques de France, Bruno Le Maire a retenu trois sujets, auxquels il répond en exposant les mesures prévues dans son programme.

Classe politique, handicap, migrants : les points d’accord

Le renouvellement de la classe politique, d’abord, dont le candidat a fait un élément majeur de sa campagne. « Je pense à la “confiscation” et au “discrédit” de la parole publique que vous évoquez », écrit-il. « Comment pourrait-il en être autrement après trente ans d’échec, de renoncements, de reculades et de reniements ? », interroge-t-il, citant les évêques de France qui dénonçaient « les postures et les gesticulations de quelques-uns ». Il rappelle ses propositions à ce sujet : « le non-cumul des mandats », « la limitation de leur nombre dans le temps » et « une nouvelle exigence de transparence ».

Il évoque ensuite la question de « l’attention que nous portons aux plus fragiles dans notre société ». « Je partage avec vous l’intime conviction qu’en chaque être, il y a un bien commun à défendre, que chaque homme est utile, que chaque homme est nécessaire », poursuit Bruno Le Maire. Avant de répondre à cette préoccupation par ses propositions de créer des « emplois rebonds », de faire du handicap « la grande cause nationale » du quinquennat s’il était élu, et de « venir en aide aux personnes plongées dans la dépendance ou atteintes de maladie grave »

Troisième sujet, celui de l’accueil des migrants. « Nul ne peut rester insensible face à la détresse des dizaines de milliers de réfugiés qui fuient la mort et la servitude », écrit le candidat à la primaire de la droite. « La France doit leur venir en aide », estime-t-il, rappelant au passage son rôle de « protectrice historique des chrétiens d’Orient », en faveur desquels il a pris la parole à plusieurs reprises au cours des derniers mois. Il considère cependant que des « abus observés depuis plusieurs années mettent à mal le consensus national sur ce point ». En réponse, il juge nécessaire de « maîtriser l’immigration illégale », « traiter plus efficacement les demandes d’asile » et « faire respecter les règles ».

La « culture » plutôt que « l’identité »

Après avoir exposé ces points d’accord avec les évêques, Bruno Le Maire exprime une divergence sur le terme « identité » employé dans leur texte. « Je lui préfère le mot “culture” : l’identité enferme, la culture ouvre », explique-t-il. « Elle est la bonne notion pour appréhender les mutations profondes et rapides que vous évoquez », tandis que le terme d’« identité » a été, selon lui, « galvaudé ».

Dans le champ de la culture, Bruno Le Maire place la laïcité, l’éducation, qu’il présente comme une de ses « priorités fondamentales », mais aussi la famille. Alors que François Fillon et Nicolas Dupont-Aignan avaient redit aux évêques leur engagement à réformer la loi sur le mariage pour tous, et clamer leur opposition à la GPA, Bruno Le Maire reste silencieux sur ces sujets. S’il est lui aussi opposé à la gestation pour autrui, il ne compte pas toucher à la loi Taubira ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.

Pas de référence au mariage pour tous

Il tient cependant à montrer aux évêques son souci de la famille, « noyau de base de notre société » qui doit « être protégée et soutenue ». Il promet à ce sujet de relever le quotient familial, et de réduire « au maximum » la fiscalité sur les donations. Il joue à ce sujet la carte personnelle, rappelant aux évêques qu’il est lui-même « père de quatre fils », et qu’il sait à ce titre « toute l’importance du cadre familial pour transmettre amour et valeurs à ses enfants ».

Bruno Le Maire conclut en faisant sienne une citation d’Antoine de Saint-Exupéry : « Quiconque porte dans le cœur une cathédrale à bâtir est déjà vainqueur ». « La cathédrale que je souhaite bâtir n’est ni de verre, ni de pierre : c’est un pays juste et fier de lui-même qui donne sa chance à chacun. »

 

 

 

 

 

« Le cas Bayrou » en tant que posture intéressante à observer.

 

Déjà entre les deux tours de la primaire de la droite, le leader du MoDem (parti centriste) était sorti du bois et avait dit son étonnement. Mais les choses sont reparties de plus belle début janvier pour un homme politique qui a été trois fois candidat à la présidentielle, peut-être en selle pour une quatrième fois, qui n’a jamais caché qu’il était catholique pratiquant mais pointant un mélange déplacé entre politique et religion, mélange auquel il faut, selon lui, mettre un terme. Il fait allusion aux propos de François Fillon « je suis gaulliste et chrétien » et qui avait par ailleurs ajouté « Je ne peux pas porter atteinte à la sécurité sociale parce que je suis chrétien ».

Comme nous sommes en pré-campagne présidentielle, il faut distinguer ce qui relèverait des postures, de la stratégie et d’une gêne extrême.

 

Soyons factuel :

François Bayrou indique : Je suis croyant et je ne vais pas m’offusquer d’un mouvement de foi. Mais ajoute-t-il : « Je suis pour que dans notre pays on ne mélange pas les questions intimes d’adhésion religieuse, de foi, de conscience, d’athéisme, de croyance avec la politique ». Et de conclure : « Je refuse à voir les croyants, les agnostiques, les athées comme un corps électoral ».

 

François Bayrou sur les deux ans du Pontificat de François (4 mars 2015 – la Vie catholique) : Il s’exprime à titre personnel et se dit frappé par l’esprit d’enfance du Pape.

 

Mon sentiment profond est qu’un des caractères de la providence est d’être pleine d’humour. Or, on sent chez cet homme comme un éclat de rire…dont on a besoin au milieu de ce monde lourd. Le rire de celui qui ne se laisse arrêter par aucune convention. Il dit de but en blanc les choses les plus bouleversantes et les plus révolutionnaires qui sont des choses évangéliques. Cela fait des tremblements de terre. Sa parole est anti-système. Il vient rencontrer l’attente de renouvellement des gens. Il est de notre famille européenne mais il est aussi missionnaire. Il incarne la catholicité de l’Eglise au sens où elle est sans frontière.

Pendant ce temps-là, à l’extrême droite…le FN sort l’artillerie lourde en critiquant les évêques qui, selon lui, n’ont pas à se mêler des « affaires publiques ».

Invités par différents médias lundi 26 et mardi 27 décembre, trois cadres du parti de Marine Le Pen ont reproché aux évêques de « dénigrer systématiquement le Front national ».

Louis Aliot, Vice-Président du FN, au lendemain de Noël :

« Qu’ils s’occupent de remplir leurs églises, ce qui n’est pas gagné, et qu’ils laissent après les partis politiques gérer les affaires publiques. »

Invité sur France Info, soulignant qu’il est lui-même catholique, il reproche à une « grande majorité » des évêques d’avoir « craché à la figure du FN » ces derniers mois, et de « dénigrer systématiquement » son parti, « ses personnalités et sa politique ».

La veille, Marine Le Pen (par ailleurs compagne de Louis Aliot) avait souligné, dans son message de Noël, la « tradition chrétienne » de la France. Marine Le Pen avait réagi il y a quelques semaines en arguant que les évêques « ne devaient pas prendre de positions politiques ». En 2011, elle avait déjà pressé l’Église de s’occuper plutôt « davantage de ses ouailles ».

Une Église représentée par « des évêques politiques »

Le lendemain, deux autres leaders du parti ont emboîté le pas à Louis Aliot.

Invité au micro de France Inter, l’eurodéputé Nicolas Bay a dénoncé « les leçons de morale d’une partie du clergé très prompte à critiquer » le FN. « Nous n’avons pas de leçon de morale à recevoir du clergé sur les questions migratoires. Il fait preuve d’un angélisme total qui est très conformiste », a-t-il affirmé.

Le même jour sur Europe 1, le député FN Gilbert Collard a mis en exergue le discours d’une Église « déconnectée de la réalité ». « Au nom de l’accueil des autres, [elle] nous rejette, nous. Elle est représentée aujourd’hui par des évêques politiques, ce sont des adversaires de la foi ».

On peut interpréter ces différentes salves de représentants au plus haut niveau du FN comme des réactions à la fois à lettre-interpellation des évêques mais aussi à la sortie en octobre 2016, d’un numéro spécial de la revue jésuite Projet, intitulé « Extrême droite : écouter, comprendre, agir ». Ce numéro, soutenu par une dizaine d’associations chrétiennes, avait pour ambition d’inviter ses lecteurs à « réfléchir » aux origines et aux conséquences de la progression de cette mouvance.

Pas de réaction de l’Église

Interrogée sur ces différentes déclarations, la Conférence des évêques de France (CEF) n’a pas souhaité réagir publiquement. « Nous laissons aux politiques, quels qu’ils soient, la responsabilité de leurs propos », se borne-t-elle à répondre souligne le quotidien La Croix.

 

 

L’Eglise a le droit à la parole

 

Je ne pense que le Parti Socialiste ait réagi au texte des évêques. Par contre, le candidat des « Poissons roses » a été refusé à la primaire socialiste. Pour celles et ceux à qui les choses auraient échappé, depuis quelques années s’était développé un courant chrétien au sein du PS.

A la mi-décembre, alors que c’est l’effervescence dans le bocal du parti socialiste, on apprend que « Les Poissons roses » n’ont « plus de place » au PS. En fait, le candidat du courant chrétien de gauche, Régis Passerieux (ancien maire d’Agde, 40 ans de parti), n’a pas pu réunir les parrainages nécessaires avant la date limite. Il fallait 20 parrainages de parlementaires.

Une tempête dans un verre d’eau ? La candidature de Régis Passerieux, « n’était pas une candidature anecdotique », regrette Philippe de Roux, le porte-parole du courant chrétien.

Dans un communiqué, les Poissons roses assurent d’ailleurs que la candidature avait «  reçu le plus souvent un accueil personnel favorable » lors des rencontres avec les parlementaires. « Retisser les liens partout, fonder une nouvelle économie du partage et de la connaissance, poser des limites à la démesure des désirs des consommateurs, notre message n’a pas laissé indifférent », assure le même texte.

« Plus de place au PS »

Philippe de Roux assure qu’il y a eu un « barrage total » orchestré par le PS. La direction du PS n’aurait pas donné à la candidature de Régis Passerieux l’aval officieux qui aurait « autorisé » des parlementaires à le soutenir.

« Nous n’avons plus de place au PS, il faut le dire. Notre vision spirituelle et personnaliste est rejetée par la direction du PS », déplore-t-il, soulignant que les Poissons roses n’ont même pas été reçus par le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis. Le « signe fort » d’une « grosse coupure » avec la direction du PS, poursuit le porte-parole, d’autant plus que « Régis Passerieux connaît très bien Cambadélis ».

« Cette fermeture est suicidaire pour la gauche »

Pour Philippe de Roux, « cette fermeture est suicidaire pour la gauche ». « Nous représentons beaucoup de monde, en particulier dans tous les réseaux de l’action sociale, prévient le porte-parole. Mais aussi un pont avec les musulmans qui ont déserté le PS, principalement en raison des options sociétales. »

« Une grande recomposition est inévitable à gauche », veut croire le porte-parole des Poissons roses après ce désaveu. En attendant, le mouvement prépare un appel sous le titre « La gauche que nous aimons », pour fédérer diverses personnalités partageant l’idée que la gauche doit « se préoccuper à nouveau de justice sociale, et arrêter les expérimentations sociétales ».

« La démarche personnaliste, que nous incarnons avec d’autres, rassemble ceux qui refusent une vision purement matérialiste de l’existence », explique également le communiqué du mouvement. Un appel en vue d’une candidature indépendante ? « On se laisse toutes les possibilités », répond Philippe de Roux.

 

L’Eglise a le droit à la parole

Les prêtres – cela fait quelques décennies que les prêtres n’ont plus le droit de se présenter à des élections mais les prêtres sont des citoyens à part entière.

  • J’ai souvent entendu un prêtre de notre diocèse depuis 1967, Maxime Leroy, parler de politique. Il a même signé un ouvrage récent aux éditions de l’Atelier : « Politique et Démocratie, Pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire ». Ouvrage écrit avec un élu local Jean-Luc Deroo.
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  • Il y a beaucoup de paroisses où il y a des débats de « nature politique ». Je pense au Centre St Benoit à Tourcoing où je suis allé à plusieurs reprises avec des cycles autour de questions de notre temps traitées par des experts.
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  • Quand j’étais conseiller général, le prêtre de la paroisse avait tenté un déjeuner entre les élus de différentes tendances. En évitant le Hollande au fromage avait-il dit pour rester neutre. (L’actuel Président de la République était à l’époque 1er secrétaire du Parti Socialiste). Je pense qu’il y a ainsi des traditions pour les prêtres d’entretenir des liens féconds avec les élus locaux. Là et c’est la raison pour laquelle je le souligne, il y avait en plus une dimension œcuménique.

L’Eglise a le droit à la parole

Les mouvements / associations / Institutions

Pour beaucoup de mouvements d’Eglise ou d’associations, les élections qui reviennent finalement souvent, sont autant d’occasions d’interpellations, d’alertes.

Il ne m’a pas échappé qu’il y avait eu aussi des mouvements spontanés comme la « Manif pour tous », qui n’est pas à ma connaissance un mouvement d’Eglise » même s’il a incontestablement correspondu pour un nombre de catholiques à une forme de « marche politique » / « démarche politique ». Des évêques ont chaussé pour cette cause-là leurs baskets et nous savons tous que les questions qui ont été soulevées sont des marqueurs forts…non sans lieu avec une forme de « réveil identitaire ». Si on cherche une forme analogue dans le temps à cette démarche, il faut certainement remonter à 1984 et la grande marche pour la défense de l’école libre.

 

A côté de ces mouvements spontanés, ce que je note sur ce sujet comme sur d’autres, c’est que les formes d’interpellations sont plus directes, plus engagées, moins distantes : de la lettre ouverte on passe aux propositions et recommandations opérationnelles. Mais la ligne de fond reste la contribution argumentée et nourrie.

J’ai évoqué la revue jésuite Projet, intitulé « Extrême droite : écouter, comprendre, agir ». Ce numéro, était soutenu par une dizaine d’associations chrétiennes, avait pour ambition d’inviter ses lecteurs à « réfléchir » aux origines et aux conséquences de la progression de cette mouvance. Le fait d’alerter ensemble sur ce sujet était nouveau. Effet masse pour mieux interpeller ?

Il y a sur le registre des contributions, les (maintenant) traditionnels :

  • Rapport annuel de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, avec lors de la présentation, des échanges avec les politiques. Prochaine présentation est pour le 3 février.
  • Secours Catholique attire lui aussi annuellement l’attention sur les situations qu’il rencontre. Des occasions faire prendre conscience aux acteurs politiques d’un certain nombre de réalités.
  • ATD-Quart Monde est passé à la vitesse supérieure avec une proposition, celle du territoire O chômeur, qu’elle essaie de mettre en expérimentation sur les différents territoires. Cette initiative est en train non seulement d’avancer mais elle créé du lien entre acteurs.

Il y a une expérience novatrice que je peux évoquer, c’est la mise en conférence de représentants des partis politiques sur les propositions des Semaines sociales de France. C’était en novembre 2016. La vidéo est en ligne. Tous les partis étaient invités à dire dans un ensemble de propositions : laquelle ils retenaient, laquelle ils ne retenaient pas, laquelle les Semaines sociales avaient oublié. Autant de belles balles jetées dans le jardin des politiques.

Echo faible de l’encyclique Laudato Si ? Pas sûr…Un exemple parmi d’autres, L’Université Catholique de Lille.

 

    • Avant l’annonce de l’encyclique mais avec aujourd’hui un souffle démultiplié, il y a des chantiers majeurs ouverts autour de la transition écologique, une question éminemment politique, qui est discuté avec les politiques. C’est un hasard, mais ce mercredi 11 janvier avait lieu dans cette université le comité d’orientation Live Tree (Lille Vauban Esquermes en transition énergétique et écologique) autour des représentants de la ville, de la Métropole et de la Région.

 

 

En conclusion (nécessairement provisoire)

 

L’Eglise a le droit à la parole et elle en use, de différentes manières, nous l’avons vu. Le Pape, les évêques, les mouvements, les prêtres, associations et instituions en usent (de cette parole).

Pour autant, l’action politique ne se déduit pas de l’évangile qui ne fait en rien office de « programme commun ». C’est à chaque électeur de juger en conscience, d’établir des hiérarchies, de juger des priorités. Même chose pour les acteurs.

 

Une direction avait été donnée il y a longtemps par le Pape Léon XIII et dans le prolongement Paul VI a insisté sur la transformation juste de la société qui est nécessaire. Avec cette nécessité de toujours inventer des chemins nouveaux – faire appel à l’imagination sociale. Et l’histoire se poursuit avec Jean-Paul II, Benoit XVI et François.

 

Ce qui est assez évident, c’est que la laïcité et la place des religions font une irruption dans le champ politique. Jusqu’à une période récente, les élus marchaient sur des œufs…et comme le souligne de manière épidermique le rédacteur en chef de la Vie : « C’est quoi cette nouvelle monde qu’ont les hommes politiques de se dire chrétiens ? C’est insupportable à la fin ! ». En écrivant cela sur les réseaux sociaux, une réaction parmi d’autres : « Pire : et ces prêtres, de parler de politique… ».

 

    • J’ai cité en introduction sur ce sujet précis Jean-Luc Blaquart et Jean-Yves Baziou.
    •  
    • Je peux citer Dominique Quinio, ancienne directrice de La Croix, nouvelle Présidente des Semaines sociales de France, qui intervenait récemment sur le sujet de la politique à Rueil Malmaison : « Notre société a besoin des religions, non pour imposer leur loi au pays tout entier, mais pour œuvrer à la concorde, pour faire preuve d’inventivité sociale, pour porter un regard d’espérance sur le monde qui nous entoure ».  
    •  
  • Je peux enfin citer Jean-Paul Willaime, sociologue des religions, en 2008 (83ème session des Semaines sociales de France) qui avait plaidé pour une « laïcité de reconnaissance et de dialogue » soulignant qu’il ne fallait se tromper d'époque : « En ce début du XXIe siècle, les reconfigurations du religieux et du politique imposent en Europe une pratique de la laïcité ouverte aux apports des religions dans la vie sociale. Le renoncement des religions au pouvoir politique et le renoncement des politiques au pouvoir spirituel permettent la mise en œuvre d'une laïcité de reconnaissance et de dialogue ».

 

 

J’espère avoir réussi à montrer en écho dans un double mouvement, les apports des uns avec les réactions suscitées, que cette laïcité de reconnaissance et de dialogue se met, semble-t-il en place, non sans casse. Même si nous marchons sur des œufs. Nous sortons peut-être doucement (ou plus brutalement ?) de l’enfouissement.

 

Tocqueville déjà dans la démocratie en Amérique, tome 2, chapitre 17 : « Les religions donnent l’habitude générale de se comporter en vue de l’avenir. En ceci elles ne sont pas moins utiles au bonheur de cette vie qu’à la félicité de l’autre. C’est un de leurs plus grands côtés politiques ».

 

On peut le signifier de différentes manières mais les « postures communautaires » peuvent s’avérer dangereuses dans la mesure où elles feraient revenir en arrière, ne respecteraient pas le principe de « se distinguer…pour unir ». Entre l’enfouissement d’hier et la simple revendication identitaire, il semble que l’Eglise à travers ses acteurs montre un chemin : celui d’une forme d’incarnation dans la cité, dans la République, dans le débat démocratique, dans les grandes entreprises humaines.

 

Robert Schuman.

La conclusion de la conclusion avec une fenêtre à ouvrir sur un grand chantier porté et encouragé dans l’histoire par des chrétiens mais qui est en frichel’Europe. Les évêques soulignent qu’une véritable pratique de la subsidiarité, telle qu’inscrite dans les textes fondateurs, serait une nouvelle chance pour l’Europe. L’Eglise montre ainsi le chemin des priorités du monde qui vient. Reste à trouver les nouveaux artisans, pour affronter comme hier Robert Schuman, Alcide de Gasperi et Konrad Adenauer, les deux grands dangers de notre époque : le fanatisme et le populisme. Cette grande idée européenne du XXème siècle qu’était pour des chrétiens engagés un moteur reste plus que jamais une idée neuve pour le XXIème siècle.

 

Merci de votre attention.

 

Denis Vinckier

Lille, le 12 janvier 2017

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